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Oto, le fauteuil multiprimé qui apaise les personnes autistes

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Oto : un fauteuil apaisant pour les personnes autistes

Crédit image : Coralie Monnet

Ébéniste et conceptrice de mobiliers, Alexia Audrain a imaginé un fauteuil “à étreindre”, capable de réduire l’anxiété des enfants et des adultes atteints d’autisme. Récompensé à plusieurs reprises, ce meuble rassurant a déjà séduit plusieurs instituts médicalisés.

Répondre au besoin d’étreinte du corps des personnes autistes

Alexia Audrain a toujours porté beaucoup d’intérêt aux mobiliers fonctionnels, pensés autour d’un besoin particulier. C’est durant sa formation BTMS Ébénisterie qu’elle a imaginé le fauteuil Oto, après une discussion avec l’institut médico-éducatif de l’ADAPEI de Blain. Le personnel lui a fait part d’un manque de mobilier adapté à l’univers autistique, et notamment à la problématique de l’étreinte du corps. En effet, pour se calmer, les enfants et adultes autistes ont souvent besoin d’être serrés très fortement, pour prendre davantage conscience de leur environnement et des limites de leur corps. C’est pourquoi Temple Grandin, scientifique américaine atteinte d’autisme, a imaginé il y a plusieurs décennies une machine à câlin. Aussi appelé boîte à câlins ou squeeze machine, cet appareil à pression dans lequel il faut entrer calme les personnes atteintes d’un trouble du spectre autistique. Mais pour Alexia Audrain, cette machine, aussi utile soit-elle, restait perfectible. “Tout le monde n’a pas envie de se mettre à quatre pattes dans ce qui ressemble un peu à une machine de tortures”, a-t-elle expliqué à L’Obs.

Un fauteuil à la fois design et pratique

C’est en partant de ce constat que l’ébéniste s’est lancée dans la conception d’un fauteuil dont les parois intérieures, gonflables, créent des pressions profondes sur les jambes et la poitrine de l’utilisateur. “Mon objectif était que nous ayons tous, autiste ou non autiste, envie de s’asseoir dans ce fauteuil parce qu’il ne ressemble pas à du matériel médical. On sait qu’Oto plaît beaucoup à tous les publics”, a expliqué la conceptrice. Oto est un mobilier design et non stigmatisant, qui peut s’adapter à tous les intérieurs. Il est doté d’une structure en bois, possède des coussins en velours déhoussables et des détails pastel réconfortants. Breveté, il est pensé pour être utilisé en autonomie. Ainsi, chacun peut, lorsqu'il en ressent le besoin, ressentir les mêmes effets de contention et d’étreinte que dans la machine imaginée par Temple Grandin.

Un système de pression activable en toute autonomie

Le fauteuil Oto a nécessité un an et demi de recherches, d’essais et de maquettes, en collaboration avec l’institut médico-éducatif de Blain. Bien plus esthétique qu’un appareil médical, il est pourtant conçu en premier lieu pour être fonctionnel. L’utilisateur n’a qu’à le brancher sur secteur, s’installer sur le siège, puis actionner une télécommande à boutons pictogrammes, pour gonfler ou dégonfler les parois. Le système pneumatique est caché dans le repose-pieds du fauteuil. Le rembourrage a été imaginé pour offrir une acoustique feutrée, pour aider la personne autiste à s’isoler de l’environnement extérieur et à dompter sa surcharge émotionnelle. Lorsqu’elle se sent mieux, elle n’a qu’à appuyer sur un bouton de la télécommande pour diminuer la pression des coussins, puis à débrancher ce fauteuil, qui peut aussi être utilisé de manière “classique”.

Une visibilité inattendue… grâce à une série sud-coréenne

Depuis sa création, ce fauteuil a déjà reçu de nombreuses récompenses : le premier prix du concours La Canopée de Xylofutur et l'École Supérieure d'Ingénieurs du Bois à Nantes, le trophée de l'innovation en santé de l'enfant décerné par le jury médical de la fondation Saint-Pierre, le James Dyson Award France, deux prix lors du Handitech Trophy… Résultat, la notoriété de la société Oto a rapidement dépassé les frontières françaises. Alexia Audrain a déjà reçu une commande du Musée des sciences Nemo d’Amsterdam, et son invention est apparue dans la série télévisée sud-coréenne Extraordinary Attorney Woo, dont l’héroïne est une avocate autiste.

Commercialisé au prix de 5 400 euros, le fauteuil Oto a été vendu en une trentaine d’exemplaires à des instituts médicalisés et à quelques particuliers. Et l’aventure ne devrait pas s’arrêter là. En effet, l’ébéniste et son associé Corentin Lemaître pensent que 200 fauteuils pourraient être écoulés en France et à l'international en 2024.

Une étude clinique en cours de réalisation

Alexia Audrain collabore depuis plusieurs mois avec le CHRU de Tours, qui dispose de structures dédiées à l’autisme et aux troubles du neurodéveloppement. Une étude clinique y est actuellement réalisée pour mesurer les effets bénéfiques du fauteuil. Quand elle aura obtenu les résultats, la conceptrice pourra les utiliser pour gagner en crédibilité. Elle souhaite se tourner vers l’Assurance Maladie et les Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), pour faire en sorte que les familles voulant acquérir un Oto puissent bénéficier d’une prise en charge financière. En parallèle, grâce à la série Extraordinary Attorney Woo, l’ébéniste peut espérer conquérir les marchés asiatiques et américains à partir de 2025. Ce fauteuil apaisant semble également attirer des services autres que ceux liés à l’autisme, comme ceux qui traitent des patients atteints des maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Des expérimentations doivent donc être menées, ainsi que des mises aux normes pour chaque pays étranger. Selon Les Echos, la société envisage une levée de fonds pour accompagner ce développement.

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Sommaire

  • Répondre au besoin d’étreinte du corps des personnes autistes
  • Un fauteuil à la fois design et pratique
  • Un système de pression activable en toute autonomie
  • Une visibilité inattendue… grâce à une série sud-coréenne
  • Une étude clinique en cours de réalisation